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Catégorie(s) : Autographes


HUYSMANS (Joris Karl). L.A.S. à Jean LORRAIN.

4 pages in-12 (11,8 x 13,5 cm), Paris, 12 février 1895, à en-tête du Ministère de l'Intérieur. Belle et longue lettre inédite concernant le volume de Lorrain Sensations et souvenirs (dont les Contes d'un buveur d'éther sont l'une des six parties), la publication imminente d'En Route, etc. " Dans le dégoût de remâcher une filasse pieuse, sur épreuves et dans l'ennui d'une santé vacillante, votre livre m'a sorti et, varié comme il est, il est de lecture charmante, le soir, dans les coins du feu. Je ne dirai pas cependant que les Contes d'un buveur d'éther sont apaisants et faits pour lénifier les nerfs. Vous m'avez redonné le frisson du mauvais gîte - et votre Serge est d'autant plus inquiétant qu'on se sent en soi-même, un tas de diversions détraquées, pareilles. Ah ! vous avez su rendre l'horreur des ténèbres et des trains de larves. Mais cette partie hallucinante, franchie, les véridiques et les jolies idées sur les contes d'enfants, la délicieuse peinture des têtes dans les omnibus ! et tout ce coté, bizarre et somptueux, de féeries enlevé en de miroitantes phrases. Puis tout votre Bâle où l'on est, votre Deutz, toute une série de sensations aiguës - tout cela, c'est une joie un tremplin d'art, vous enlevant au plat ennui des journées inutiles, chez les éditeurs et dans les bureaux. Quand je songe que presque tous ces petits poèmes ont été faits par un homme malade, j'avoue que cela me déconcerte ! (…) Savez-vous qu'en une autre direction vous eussiez fait un bon mystique car c'est là une condition les plus difficiles à acquérir, que ce dédoublement possible, ce matage du corps par la volonté. Arriver à ne pas s'évaguer, quand on le veut, mais c'est la force des Stes Thérèse, cela ! Puis c'est toujours la même réflexion qui me vient, une fois le livre clos. Tous les recueils d'articles qui plurent, égrenés, au jour le jour des feuilles, ne valent pas tripette, une fois allongé, à la suite, sur les pages du livre. Et vous, toujours, cela tient et gagne, en volume. C'est très curieux et indéfinissable, au juste. Si je prends le Schwobb (sic), par exemple, qui a l'air d'écrire et fait, en somme, des articles pas mal - et que je lise cela en volumes, va te faire fiche ! Tout le toc et le zinc de ce faux art m'apparaît - et je suis pris de colère contre cette singerie de choses propres. Je me rends compte que la lecture séparée de ses articles me dupa. Décidément, j'en arrive à croire que c'est le volume qui sert d'étalon, pour reconnaître ce qui est de l'art véritable, de ce qui n'en est pas (…) A part cela, rien. Je sors enfin de mon livre, dégoûté, moi-même d'avoir peiné sur un ingrat sujet qui ne comporte aucune variante, aucun synonyme. Je commence à me rendre compte que si l'on a pas fait d'art catholique moderne, c'est qu'on n'en pouvait pas faire. C'est, en effet, immuable et gris la langue du 17e siècle, suffisant à cela. Dès qu'on en sort, on mijote de douces hérésies, toute épithète se muant en une chausse-trappe. Je vous enverrai ce bloc, aussitôt paru " (…) Sa santé est mauvaise, il a été pris, en sus de l'estomac, " de troubles nerveux qui m'obligent, 3 fois par semaine, à soumettre ma carcasse à des douches électriques. Tout cela m'exaspère, car je n'ai pas le temps de me soigner ! Ce sont des pertes de temps imbéciles ! Puis est-il bien sûr que tout cela serve !! Heureusement, que ces petites scènes de famille se passent chez un médecin intéressant, le Dr Baraduc, un ami de Bois, médecin magique - ce qui change un peu, au moins ! " (…)


1800 €





































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