GENET (Jean). Le Condamné à mort. Fresnes, sans éditeur, Septembre 1942, in-8, en feuilles, couverture rempliée sur papier teinté rose.Édition originale rare du premier livre de l'auteur. Selon son futur éditeur, Marc Barbezat, Genet aurait confié l'impression de la plaquette à l'un de ses co-détenus à la prison de Fresnes, typographe de métier qui purgeait une peine pour avoir imprimé de faux tickets d'alimentation et devait être libéré quelques temps avant lui.Tirée à une petite centaine d'exemplaires, elle aurait été imprimée aux frais de Genet sur du papier de différentes qualités, détourné, dit-on, des stocks réservés à l'administration allemande.Très bel envoi autographe signé : A Jean Ballard dont la gentillesse me permit il y a 10 ans d'aller balayer les cours des jésuites. J'ai pu bouffer alors. Veuillez mon cher ami me permettre de vous le rappeler. Un tel souvenir vaut mieux pour moi que tel autre qui ne serait que littéraire Jean Genet.L’exemplaire comporte 15 corrections autographes à l’encre noire de l’auteur.2 lettres autographes signées jointes à Jean BALLARD. 4 pages in-4 ou in-12, la première, sur papier lignée, Toul, Jean Genet Caporal au 22e R.T.A. 2e Cie sans date (1935), la seconde Val de Grâce (Paris), 8 avril 1936.Rares lettres anciennes et inédites de Genet au directeur des Cahiers du Sud. Genet qui s'enrôle plusieurs fois durant ces années, est en garnison à Toul affecté au 22e Régiment de Tirailleurs algériens. Après un changement de corps il sera incorporé au Régiment d'Infanterie Colonial du Maroc. C'est du R.I.C.M., alors l'un des plus prestigieux régiments de France, devant la Légion Étrangère, que Genet sera porté déserteur.Il est tard, presque trop tard pour oser me rappeler à vous, mais l'accueil que vous me fîtes il y a bientôt 2 ans aux «Cahiers», votre bonté et votre patience me donnent de l'audace. Peut-être avez-vous oublié un garçon gauche, perdu dans Marseille, abrité un moment par les Jésuites, qui fut vous demander conseils ? Conseils pratiques et spirituels. Monsieur Ballard si vous l'avez oublié, je me souviens moi, que vous me dites : «une âme c'est quelque chose qui se touche, c'est palpable, je crois que vous avez une âme». D'aventure, il a été en Italie conduit dans une prison fasciste, en Autriche vagabondant, en Espagne mendiant (ou presque)... Les soucis spirituels et littéraires cèdent le pas aux nécessités immédiates. L'Armée enfin met, pour un temps bref, un terme à ces prodigalités. Il a donné à un camarade féru de poésie l'adresse des Cahiers du Sud afin qu'il se procure quelques numéros (...) Genet va découvrir un article épatant : Il est signé Benjamin FONDANE et s'appelle : «La conscience malheureuse». Et il cite Chestov : «Tôt ou tard la philosophie deviendra une philosophie «en plein air» et plus loin «lorsque vous perdez la route, alors... «Autre chose commence qui n'est ni l'esprit ni le logos: le voici. Ce ne sera pas «la perception laborieuse de quelque chose. Ce sera quelque chose «que nous saisirons immédiatement - ou le Rien». Pour qui a roulé, à droite, à gauche, titubé et tenté de se justifier pas mal d'actes nécessités par les rigueurs d'une vie malaisée, vous pensez si de telles affirmations sont un réconfort. Je ne connais pas Monsieur Fondane, et sans doute ne tient-il pas autrement à savoir que j'existe, mais celui qui a été touché par une idée, qu'il ait le droit de dire sa sympathie... Monsieur Jean Ballard m'excuserez-vous d'avoir été aussi bavard, d'un mauvais bavardage ? La caserne m'isole terriblement. Elle est bourrée de gens qui jugent intellectuellement et pas toujours intelligent (...)Je ne puis avoir l'audace de penser que vous vous souvenez de moi, quand j'allai, sur votre invitation, aux «Cahiers», je fus reçu très aimablement par, sans doute, madame Ballard. Permettez donc que je me représente : Jean Genet, un jour en détresse à Marseille, cherchant l'appui avec des consolations, des Cahiers, et échouant chez les Jésuites (...) Depuis, j'ai été affecté, en vue de mon envoi à Shanghai, au R.I.C.M., à Aix en Provence, et aujourd'hui je suis au Val de Grace où m'a conduit un stupide accident au bras et à la jambe. Et ma lettre n'est que pour vous demander s'il ne vous reste pas quelques numéros des Cahiers du Sud, ou des volumes édités par eux, que vous pourriez nous faire parvenir. La littérature des «Foyers du Soldat» est immonde, et un bain de littérature vraie, ferait un bien immense, moral donc physique, à moi d'abord et à toute la chambrée. Il ne sait trop si sa requête est décente et s'excuse d'adresser de telles lettres mais il assure Jean Ballard qu'il en aurait grande reconnaissance, et qu'il ferait œuvre pie (...) 12000 € |