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YOURCENAR (Marguerite). Lettre signée à Lise DEHARME.

2 pages in-8, à en-tête de Petite Plaisance, Notheast Harbor, 7 août 1957. Longue et belle lettre au sujet des mauvais traitements de l'homme envers les animaux. Suite à la lecture d'une critique du Monde Marguerite Yourcenar s'est procuré l'ouvrage de Lise Deharme “...Et la bête”. [Éditions Fasquelle, collection Libelles], petit livre pamphlétaire, satirique et impitoyable, qui aborde le sujet des rapports entre les hommes et les animaux. “...je vous félicite d'avoir eu le courage de traiter ce sujet (il en est peu de plus graves) et de dédaigner d'avance le reproche de sentimentalité que les sots ne manqueront pas de vous adresser. Je vous connaissais surtout jusqu'ici par vos récits à la fois fantastiques et charmants, et vous admire d'autant plus pour avoir pris sur vous d'aborder ce problème si (lugubrement) banal. On ne dira jamais assez que l'exploitation illimitée de l'animal par l'homme, le libre exercice de sa brutalité, de son sadisme, ou (ce qui est peut-être pire encore) de son épaisse indifférence à l'égard de ces êtres engagés comme lui dans l'aventure d'exister est une des formes du mal ; et c'est une forme qu'aucune religion, aucune morale (du moins dans notre Occident) n'a eu le courage de dénoncer ni même de regarder en face. Et il semble bien que l'immense développement actuel des moyens techniques, loin de diminuer quelque peu, comme on l'aurait cru, la souffrance inutile, serve souvent à l'augmenter, et tende à oblitérer encore davantage la compréhension et la sympathie de l'homme envers ce qui est vivant”. Suit le récit assez long de pratiques de braconnage, en usage dans l'île de Mont-Désert où elle habite, où des cerfs sont aveuglés par les phares d'automobiles puis poursuivis pour finir massacrés... “Il est stupéfiant que des êtres destinés eux-mêmes à souffrir et à mourir puissent être ainsi obtusement indifférents à l'épouvante, à la douleur, à l'humble désespoir de créatures traquées et suppliciées comme eux-mêmes le seront peut-être un jour. L'homme a peu de chances de cesser d'être un tortionnaire pour l'homme, tant qu'il continuera à apprendre sur la bête son métier de bourreau...” - Marguerite Yourcenar, Lettres à ses amis et quelques autres, Gallimard, 1995, pp. 165-167. Petites déchirures avec une petite atteinte au texte mais qui se devine aisément.


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